Dans le bateau hypnose « quantique ».

Tous, des marins.

Hypnose : être médecin, psychologue, ou non. Utiliser des protocoles, ou non.

Qu’est-ce que l’hypnose ? demandait déjà François Roustang.

L’hypnose, est ce qui réunit ceux qui se trouvent dans le champ de l’hypnose. Ceux qui vivent par elle, qui respirent par elle, qui la pensent même si certains estiment qu’ils se trompent. L’hypnose devient un état. Un état est ce qui se passe dans un champ, qui instaure ses propres lois. Ainsi, quand vous êtes dans le champ de l’amour, ce champ peut provoquer plusieurs états induits par le champ, désir, fusion, attirance, rejet, haine, jalousie…

Qu’est-ce qu’être juif ? C’est être dans un état induit par un champ, en dehors de toute religion. Par exemple, les Ashkénazes et les Séfarades, juifs d'Europe ou descendants d’Espagne vers l’Afrique du Nord, sont opposés mais se rejoignent si un agresseur extérieur les attaque.

Dans le « groupe » Hypnose, au-delà d’être médecin ou non, formée par une école officielle de la CFHTB ou non, ce sur quoi je reviendrai, se différencient ceux qui pratiquent des inductions rapides, qui font de la street hypnose, et ceux qui prônent davantage un apprentissage d’auto-hypnose. Ils sont opposés, mais dans le même champ de l’hypnose.

Qu’est-ce que l’hypnose ? C’est ce qui se passe dans le champ de l’hypnose. Là, se différencient les médecins et psychologues cliniciens, de ceux venus d’autres champs pour entrer dans celui de l’hypnose, qu’ils soient infirmiers, coiffeurs, mécaniciens...

Dans ce champ, les deux clans sont des marins. Ils naviguent, vont d’un point à un autre, eux-mêmes et les patients qu’ils convoient. Un n’y connaît rien, et l’autre connaît, mais les deux sont des marins.

Pourquoi le deuxième, qui n’y connaît rien, est-il devenu marin ? Pour changer de condition, par intérêt personnel, pour gagner de l’argent… Peu importe. Il n’aurait pas pu être médecin ou clinicien, mais le voilà marin.

Il est entré dans le champ. Il peut être rejeté des nantis, médecins, cliniciens, diplômés… ou non. Ils sont dans le champ, et je vais dire que celui qui est dans le champ est mon ami, puisqu’il partage mon territoire, mon oxygène, mes préoccupations.

Je suis un marin, et il est un marin. Je suis un ingénieur marin, et il est un marin. C’est-à-dire que je connais bien mieux la carcasse du bateau, ses points de force et de faiblesse, son infrastructure, la façon dont il prend le vent ou louvoie, la bonne taille de la baume, de l’ancre, de la voilure… Mais que je connaisse bien mieux la structure du bateau fait-il de moi un meilleur marin ?

S’ajoutent l’intuition, le sens des étoiles, et peu à peu l’expérience.

Un jour, ce marin qui débute sans rien connaître au bateau demande des plans, des protocoles, des routes… Il va employer la bonne route, mais ce n’est pas une vérité, c’est une route qui a été bonne ce jour-là en fonction des caractéristiques du jour dont font partis son état et celui du patient en transe.

Prenons deux exemples, de Ernst von Glasersfeld et de Watzlawick relatés par Teresa Robles :

« La réalité est comme une serrure et notre construction de la réalité est la clé qui l’ouvre. La configuration de la serrure n’est pas importante explique Ernst von Glasersfeld. Ce qui compte est ouvrir la porte. Il se pourrait que plusieurs clés différentes ouvrent cette même serrure. Si une clé ne l’ouvre pas, on ne va pas remettre en cause la configuration de la serrure mais chercher une autre clé. L’activité cognitive humaine est le processus de fabrication des clés qui va aider l’homme à ouvrir les chemins qui mènent aux buts qu’il veut atteindre ».

« La nuit est sombre, orageuse, nous conte différemment Watzlawick. Un capitaine, sans balises ni rien qui puisse l’aider dans sa navigation, doit traverser un détroit qui ne figure sur aucune carte maritime. Si le bateau s’échoue sur des rochers, le capitaine aura découvert que ce n’était pas la voie navigable. Si, par contre, il traverse le détroit, son succès prouvera seulement que la route empruntée, dépourvue de récifs, ne menait pas à la collision. Il n’aura rien appris sur la configuration réelle de la côte. »

Les clés. La serrure. Le navire. Le capitaine. La nuit sombre.

Le fait de modéliser une situation, et qu’elle prédise des événements avec précision, n’est pas le signe qu’elle soit vraie, ou non, mais seulement qu’elle prédise les événements dans des circonstances données. C’est ce que Stephen Hawking appelle le réalisme du modèle dépendant et ce que mon patient commence à percevoir quand je l’invite à ne pas prendre pour forcément vraie la réalité qu’il perçoit.

Une théorie différente pourrait prédire les mêmes événements.

Dans ce voyage, il y a des faits, profondeur du guet, mouvement des marées… et des résonances entre patient et thérapeute plus proche d’un chamanisme, car le bateau mental qui vogue change le cours du bateau terrestre, fut-il sur l’eau.

Ce qui se passe dans le champ de l’hypnose est une forme de chirurgie où les mots et les silences font office de scalpel. Le protocole de la médecine ne se confond pas avec celui de l’hypnose : pourtant on ne peut naviguer sur cet océan sans une ligne directrice qui indique un chemin. Le thérapeute est un berger qui amène le mouton dans un autre pré.

Ici, nulle métaphore péjorative.

Derrière chaque mot, le patient est là, naviguant dans un champ commun au praticien. Attentif. Parfois défensif s’il doit d’abord lâcher sa peur de l’eau, de l’immensité, tel une grenouille qui n’a connu que sa mare, ou son puits.

Des clés, et une serrure. Dieu, parfois est une clé, ou Erickson, ou Bouddha. Des clés, provisoires car la serrure humaine peut changer, ou des chemins, toujours provisoires, des protocoles valides un jour et peut-être pas le lendemain.

Le chemin qui mène à bon port est toujours un chemin provisoire et celui qui emploie le même protocole aura raison un jour, et l’autre non, pour des rayons qui toujours le dépassent.

Par chaque mot posé, garder le sens de la thérapie qui s’invente à chaque instant même s’il y a fausse apparence de répétition. Le marin n’est jamais seulement un marin. Il est la mer, il est le bateau, il est le port, il est le naufrage potentiel, il est la berge, il est le salut. Il est.

Le thérapeute est celui qui est. Dans l’instant, il incarne le phare dont l’éclat modifie ou réoriente l’objet.

Tous, des marins.